Manger des « bons » aliments…
Se permettre des « plaisirs coupables » …
Tricher avec des « cochonneries » …

Vous êtes-vous déjà arrêté.e pour prendre conscience de l’impact des mots que vous utilisez pour décrire votre alimentation?

Ces expressions qu’on utilise, parfois même sans s’en rendre compte, peuvent avoir un impact considérable sur notre relation avec la nourriture. On avait donc envie de vous proposer des pistes de solutions pour parler plus positivement des aliments, notamment avec les enfants.

Créer des images… avec des mots!

Faisons un petit exercice de visualisation. Si on vous parlait de…

  • Fruits mûrs à point, juteux et colorés;
  • Pain moelleux, frais et dense;
  • Fromage fondant et appétissant ;

Est-ce que des images vous ont « poppé » dans la tête? Est-ce qu’elles ressemblaient à cela ?

En réalité, notre cerveau crée inconsciemment des images mentales pour nous aider à classer l’information et les mots qu’on utilise au quotidien.

Ok, maintenant, si on vous demandait de visualiser un « bon » ou un « mauvais » aliment ; que voyez-vous? Est-ce que cette image correspond un peu?

Si oui, c’est que notre cerveau a tendance à former des images similaires. C’est fou, n’est-ce pas?
Mais pourquoi est-ce délicat d’employer ces mots?

Les « bons » VS les « mauvais » aliments

Ce qui est à savoir, c’est que lorsqu’on parle de « bons » et de « mauvais » aliments, c’est que cette catégorisation est surtout basée sur des critères uniquement nutritionnels. Et ce qui encore plus important à comprendre, c’est que nos choix alimentaires ne sont généralement pas déterminés par des critères uniquement nutritionnels.

Oh, oh… petit problème. 😅

Il existe une multitude d’autres critères tout aussi importants. Voici des exemples :

  • Le goût des aliments ou des recettes;
  • Le budget;
  • Les préférences de la famille;
  • Les coutumes;
  • Les émotions et envies du moment (oui oui!)
  • Etc.

Le GROS problème avec le fait de classer les aliments comme étant « bons » ou « mauvais », c’est que ça leur accorde une valeur morale, c’est-à-dire qu’il y en a certains qui représentent le « bien » et d’autres le « mal ». En d’autres mots, c’est l’idée que l’on peut faire le « bien » et le « mal » avec des aliments. Et même que nos choix alimentaires peuvent faire de nous une « bonne » ou une « mauvaise » personne. Par exemple :

Si je mange et que je prépare de bons aliments pour ma famille, je ferai le bien pour notre santé; je serai une bonne personne.

 

Si, au contraire, je mange, je prépare et j’achète des mauvais aliments, je serai une mauvaise personne. Je ferai le mal pour ma santé et celle de ma famille.

Si quelqu’un de votre entourage vous disait cela ouvertement, vous feriez peut-être le saut !

Notre cerveau traite tellement d’informations dans une journée qu’il se doit de créer des raccourcis. En utilisant (de façon consciente ou non) ces catégories au quotidien, ça nourrit le combat « bien vs. mal » dans notre tête. Et, au bout du compte, ces croyances persistent et influencent nos choix d’aliments.

D’autres expressions tout aussi imagées

Il peut arriver d’utiliser toutes sortes d’autres expressions du vocabulaire populaire pour désigner les aliments. Sans même qu’on le réalise, celles-ci peuvent causer plus de tort que de bien. Ceci s’applique, oui, chez les adultes, mais encore plus chez les enfants, qui n’ont malheureusement pas encore un sens critique assez développé pour comprendre toutes les subtilités.

On a fait un petit exercice de recherche dans le dictionnaire et on doit dire que ce qu’on a trouvé est un peu choquant quand on s’y attarde. Pour ne vous donner que quelques exemples, voici à quoi ces mots font réellement référence :

  • Manger des cochonneries : fait référence à la saleté, à quelque chose d’indigne;
  • Manger de la scrap, de la junk, du junkfood : fait référence aux déchets, aux poubelles.

Un peu troublant hein ? On n’y pense pas de manière aussi explicite à tous les jours, mais c’est l’imagerie qui réside tout de même derrière ces mots. Et cet univers, il peut aussi inconsciemment teinter notre relation avec la nourriture.

On vous a préparé d’autres exemples, un peu plus sournois :

  • Un plaisir coupable : s’accorder le droit de vivre du plaisir en consommant un aliment, tout en sachant qu’on « devrait » avoir un sentiment de culpabilité (selon quelle règle?) ;
  • « Dix secondes dans la bouche, dix ans dans les fesses » (ou ses équivalents😉) : dans le même ordre d’idée, se permettre de savourer l’aliment, en se laissant croire que cet aliment précis se logera directement dans notre « graisse » pour une période exponentiellement plus grande;
  • Des gâteries, des aliments récompenses, des aliments privilèges : se permettre ou permettre à sa famille de manger certains aliments seulement sous certaines conditions, comme une réussite, un bon comportement, etc. Les aliments en question sont mis sur un piédestal, sont représentés comme plus « désirables » que les autres aliments (qui, quant à eux, sont souvent perçus comme un passage obligé);
  • Un repas-tricherie, repas de triche ou un cheat meal : ceci implique qu’il y a des règles alimentaires à suivre et des aliments interdits. Encore une fois, les aliments « permis » dans ce cas sont vus comme plus « attrayants » que les autres aliments.

L’impact des mots sur nous

Les mots qu’on utilise pour parler des aliments influencent ce qu’on mange et ce qu’on choisit d’offrir à notre famille. Dire qu’un aliment est “bon” ou “mauvais” peut nous pousser à éviter certains aliments. Mais ça peut aussi nous donner encore plus envie de les manger. Quand on interdit les aliments, ils deviennent encore plus attirants. Ainsi, lorsqu’on y a accès ou bien qu’on les « permet », on peut commencer à débouler une pente d’excès. Et là, la culpabilité embarque…

L’impact des mots sur les enfants

Les enfants sont très sensibles aux exemples qu’on leur donne. Ainsi, ils peuvent « faire le perroquet » et répéter les mots que vous employez pour les inclure dans leur vocabulaire.

Le combat « bon » versus « mauvais » aliments peut d’ailleurs être assez simple à assimiler pour vos enfants. Ça les aide à classer mentalement les aliments pour comprendre ce qu’est une saine alimentation. Toutefois, dès ce moment, les aliments sont séparés en deux groupes dans leur tête. Sans qu’ils s’en rendent compte, cela crée des interdictions et des restrictions qui peuvent affecter le développement de leur relation avec la nourriture.

Alors, qu’est-ce qu’on peut faire?

Des mots plus neutres

La première étape (qui débute dès la lecture de cet article 😉), est de prendre conscience des mots que l’on emploie pour désigner les aliments. Déjà, cela nous permet de remarquer dans quel contexte cela survient et cela nous donne ensuite l’opportunité de réorienter nos pensées ou nos paroles.

Une deuxième étape serait d’attribuer aux aliments leur vrai nom (oui, oui!). Désigner une pomme comme une pomme, et non comme un aliment miracle qui éloignera le médecin pour toujours, permet de normaliser l’aliment et d’en consommer ou de l’offrir à la famille à la fréquence que l’on désire. Dans le même ordre d’idées, désigner des croustilles comme des croustilles, et non comme une cochonnerie, aide à mettre cet aliment au même pied d’égalité que tout le reste des aliments pour ainsi en consommer lorsque le goût pour cet aliment se présente.

Cette vision peut être très inquiétante pour certain.es.

« Si je permets cet aliment à TOUS les jours, ma famille ou moi en voudrons toujours et cela va ruiner notre santé… »

Et à cela nous répondrons : NON. Aucun aliment en soi n’a le pouvoir de nous donner ou de nous retirer la santé.

Parler positivement des aliments en famille, particulièrement avec les enfants. Plutôt que de mettre l’accent sur la valeur nutritive des aliments, on s’attarde à nos goûts, aux caractéristiques gustatives, physiques ou botaniques des aliments pour en parler autrement. J’aime ce craquelin à la betterave pour sa couleur éclatante et son côté croquant.

J’aime ce chocolat car il est sucré et fond dans ma bouche. J’aime les tomates du jardin car elles sont juteuses et qu’on leur donne de l’amour tout l’été pour les voir pousser !

Rappelez-vous que tous les aliments peuvent faire partie d’une saine alimentation. Dans cette optique, la famille est exposée à une multitude d’aliments, sans interdiction et sans restriction. C’est également une belle opportunité pour impliquer les enfants en cuisine. De cette manière, ils et elles seront exposé.es à une belle variété d’aliments, du début à la fin de leur préparation!

Écrit par Marianne Juteau, étudiante de 4e année en nutrition

Révisé par Elyanne Robert, Dt.P. et Alison Caron, Dt.P.