Les enfants, ça vous dit qu’on se partage les responsabilités durant le repas ? 

Avez-vous déjà entendu parler du partage des responsabilités en alimentation ? Attention, on ne parle pas ici de demander à nos enfants qu’ils sortent les poubelles ou qu’ils coupent les légumes pour le souper (quoi qu’on ne dise pas non s’ils veulent le faire!), mais plutôt de se partager les rôles entre le parent et l’enfant quand on parle de l’alimentation de ce dernier. On sait qu’on a de grands rôles à jouer comme parents dans l’alimentation de nos petits cocos, mais si on vous disait que l’enfant aussi a des responsabilités à prendre par rapport à sa propre alimentation

Avant toute chose, on tient à préciser qu’on a rien inventé nous-mêmes ! Mais comme on se base sur la science pour émettre nos recommandations, sachez que c’est une approche supportée par la Société canadienne de pédiatrie qui a été fondée par la nutritionniste et psychothérapeute Ellyn Satter. Son objectif principal est de faire de nos enfants des mangeurs compétents.

Le but ici n’est PAS qu’ils mangent leur brocoli mardi soir prochain, mais plutôt qu’ils s’en cuisine une fois rendu en appartement ; c’est un objectif sur le long terme ;).

Par cette approche, on veut favoriser un climat harmonieux et inviter le plaisir à la table. On souhaite diminuer la pression durant l’heure du repas et encourager la bienveillance envers nos enfants oui, mais aussi envers nous-mêmes. 

Pourquoi j’essaierais ça? 

Cette approche permet de donner de l’autonomie aux enfants en leur laissant un certain contrôle sur leur alimentation. En misant sur les forces de chacun, il est possible d’arriver à un terrain d’entente qui fera le bonheur (ou presque) de toute la famille. On peut donc prendre le temps de s’asseoir en famille et d’expliquer à nos enfants comment nous allons fonctionner à l’avenir, quel sera leur rôle vs le nôtre dans cette nouvelle manière de faire et leur demander leur point de vue sur la situation. Pourquoi ne pas rendre le tout rigolo en faisant signer par tous les membres de la famille un “contrat très amical” mentionnant les responsabilités de chacun et indiquant leur motivation à remplir leur devoir au sein de la famille (c’est très très sérieux!) ?. Affiché sur le frigo, ça ferait un beau et amusant rappel pour tous !

Pourquoi donner des responsabilités différentes à tous les membres de la famille ? Bien définir les responsabilités de chacun nous permet de simplifier le moment du repas et d’en faire un moment plaisant, pour nous et nos cocos ! Avec cette approche, on souhaite entre autres diminuer au maximum la pression que nos enfants peuvent ressentir lorsque vient le temps de goûter à de nouveaux aliments. Pour maximiser leur curiosité, on veut les laisser explorer par eux-mêmes les aliments avec lesquels ils sont moins familiers et les laisser décider du moment auquel ils se sentiront prêts à les consommer. En leur laissant un peu de pouvoir sur leurs décisions lors des repas, on augmente naturellement leur curiosité alimentaire et la sélectivité peut prendre moins de place. C’est un win-win

Vous êtes un modèle ! 

Votre enfant est votre fan #1 (ok, du moins jusqu’à un certain âge!). Ceci étant dit, les enfants apprennent énormément par l’exemple et, en tant que parents, on est généralement leur plus grand modèle! On essaie donc de parler des aliments et de son corps positivement et on essaie d’utiliser un langage neutre par rapport aux aliments (si vous vous demandez de quoi on parle, on vous invite à lire ce texte sur le pouvoir des mots!). En gros, on souhaite leur montrer que l’heure du repas est un moment agréable et qu’il est tout à fait naturel d’explorer les aliments à sa manière tout en écoutant son corps.

Alors c’est quoi les rôles des parents ?  

Notre rôle principal en tant que parent est d’établir une structure, un cadre sécuritaire et des consignes claires pour rassurer nos enfants dans leur prise de décisions (parce que même s’ils pensent être devenus des pré-ados indépendants du jour au lendemain maintenant qu’ils ont des responsabilités, ils ont encore inconsciemment besoin de nous !). Nous pouvons séparer ce mandat en quatre grands rôles/responsabilités : 

  • QUOI : C’est à nous de choisir quels aliments/recettes se retrouveront au menu. Nous avons la responsabilité d’offrir à nos enfants une variété d’aliments nutritifs qui (s’ils les mangent), combleront leurs besoins. Donc, tant qu’il y a de la nourriture sur la table, notre job est accomplie !  

Conseil d’amie-nutri : On essaie d’inclure au moins 1-2 aliments dans leur assiette que nous savons qu’ils aimeront (on les appelle les aliments familiers ou aliments-copains), afin de les rassurer et de leur permettre de combler leur faim s’ils ne sont pas prêts à goûter/manger le reste du repas.

  •  : Nous décidons de l’endroit où se déroulera le repas. À la table? Dehors sur une couverture en mode pique-nique? Au restaurant? C’est à nous de décider ! C’est également à nous d’établir un certain cadre lorsque vient le moment de manger. Idéalement, on essaie de fermer les écrans lors des repas autant que possible pour apprécier davantage la nourriture et les personnes assises avec nous à table. 

  • QUAND : Nous devons établir un horaire de repas et de collations stable pour nos enfants. Cet encadrement est très rassurant pour eux, car il est parfois facile d’oublier de manger lorsqu’on joue à notre jeu préféré ! C’est beaucoup de gestion pour des enfants, alors notre aide est grandement appréciée. Nous pouvons donc leur offrir des aliments aux 2-3 heures environ, selon l’âge de nos enfants. Ils ne sont pas obligés de manger à toutes les fois, mais cette technique leur donne l’occasion de manger selon leur faim.

  • COMMENT : C’est ici que se joue notre rôle le plus important ! L’heure du repas, c’est pas juste pour remplir son réservoir d’énergie avec des aliments ; c’est aussi un moment de connexion familiale, de partage et d’échange. On veut avoir du fun à table et on veut que nos enfants aient envie de venir s’asseoir avec nous. Une ambiance agréable à table, ça passe entre autres par des discussions autour de sujets positifs avec nos enfants. Par exemple, nous pouvons leur poser des questions sur leur journée, leurs amis, s’ils ont hâte à un évènement en particulier, qu’est-ce qui les a fait rire aujourd’hui, etc. 

Conseil d’amie-nutri : À l’inverse, on veut éviter à tout prix de mettre les aliments au centre de la conversation : laissons de côté les commentaires sur ce qui a été mangé ou non dans l’assiette de nos enfants, ça ne fera que leur ajouter une pression inutile et c’est ce que nous voulons éviter. C’est plus facile à dire qu’à faire vous nous direz, mais le jeu en vaut la chandelle, promis ! 

Et les rôles de l’enfant ?

Grâce à nous (les parents), nos enfants ont un cadre bien établi et de la nourriture sur la table. À partir de là, les seuls éléments qui restent à déterminer sont le combien et le si. C’est à eux que revient cette tâche, soit de décider s’ils ont envie de manger et combien leur estomac peut en prendre.

  • COMBIEN : C’est à nos enfants de choisir les quantités de nourriture qu’ils ont envie de consommer. Il ne faut pas oublier que la faim, ça varie de jour en jour. Ça nous est tous déjà arrivé d’avoir moins d’appétit une journée alors que le lendemain, notre ventre gargouillais à plusieurs reprises durant la journée. Ils sont les seuls à ressentir leurs signaux de faim et de satiété, alors faisons-leur confiance ! Ils n’ont mangé que 4 pâtes, 1 bouchée de poulet et n’ont pas touché à leurs carottes ? Cette décision est dans leur camp, nous ne pouvons pas les forcer à manger plus, ça ira tout simplement à plus tard ! Donnons-leur cette autonomie de laisser leur corps leur dire ce qu’il a envie de manger et en quelle quantité.

Conseil d’amie-nutri : On vous entend déjà dire : “ Mais mon dieu, il va avoir faim ! Il n’a pas assez mangé !”. Si nos enfants ne veulent rien manger, c’est correct, mais on peut tout de même leur rappeler que la prochaine occasion de manger sera à TEL moment (on se souvient, c’est nous qui décidons de l’horaire des repas et collations). Nos enfants seront donc au courant de cette information et s’ils n’ont toujours pas envie de manger, c’est qu’ils n’avaient réellement pas faim ;).

  • SI : Nos enfants sont également responsables de décider s’ils ont envie de goûter à un aliment ou non. Ils ne se sentent pas prêts à goûter aux choux de Bruxelles dans leur assiette qui dégagent une odeur particulière? C’est correct, ils les essayeront lorsqu’ils se sentiront prêts et que l’envie se présentera ! L’important, c’est de continuer à les exposer à une variété de d’aliments pour les mettre en contact avec toutes sortes d’aliments. Mais au final, la décision leur reviendra de choisir ce qu’ils auront envie de goûter et de laisser de côté.

Une histoire de confiance… et de constance !

L’essentiel dans cette approche est l’importance de bien respecter ses rôles et responsabilités de part et d’autre ;). C’est lorsqu’on tente d’aller jouer dans la plate-bande de l’autre qu’il peut y arriver des accrochages ! Par exemple, si nous trouvons que nos enfants ont peu mangé lors d’un repas, on évite de négocier des bouchées supplémentaires. On se rappelle que c’est à eux de décider combien de nourriture ils ont envie de manger. À l’inverse, nos enfants doivent respecter ce qui a été choisi pour le repas, car ça fait partie de nos responsabilités à nous. S’ils nous mentionnent qu’ils n’ont pas envie de manger le mets qui a été préparé, on peut leur dire qu’ils ne sont pas obligés de le manger ou d’y goûter, mais que c’est le repas qui a été déterminé par maman et papa ce soir. “Regarde, il y a des pâtes et des crudités sur la table aussi, mange ce dont tu as envie” pourrait également être suggéré pour leur rappeler qu’ils ont différentes options à leur disposition. Nous pourrions aussi leur demander des propositions de repas qu’ils aimeraient avoir la semaine prochaine, cela leur ferait grandement plaisir, nous en sommes certaines !

Finalement, cette approche vise un changement sur le long terme, donc il ne faut pas attendre de nos cocos plus sélectifs qu’ils veulent goûter à tous les aliments que nous leur offrirons dès le début. Ils découvriront par eux-mêmes cette autonomie face à leur alimentation et ouvriront leurs horizons avec le temps. C’est un travail d’équipe qui demande de la patience, de la constance, de la confiance et surtout, du plaisir lors des repas !

Article corédigé Elyanne Robert, Nutritionniste et Marie-Félix Poirier, stagiaire en nutrition.